Réfléchir aux liens entre psychiatrie et addictologie relève de l’expérience phénoménologique tant ces deux disciplines sont affiliées. Certains parlent de mariage tandis que d’autres considèrent l’addictologie comme la fille adultérine de la psychiatrie. Elles ont pour objet commun l’appareil psychique en souffrance, sans pour autant nier leur dimension holistique, biopsychosociale et donc pluridisciplinaire.
L’addictologie est un domaine jeune, en évolution, dont les limites changent, qui se structure. Cela induit des modifications des interactions avec ses partenaires, y compris avec la psychiatrie.
Le lien entre psychiatrie et addictologie émerge autour de situations cliniques qui requièrent une interdisciplinarité lorsque l’une ou l’autre des disciplines est prise au dépourvu, atteint les limites dans son intervention. Il s’agit de situations extrêmement fréquentes, banales dans notre quotidien même si elles ne sont pas toujours faciles !
C’est avant tout la clinique qui guide nos échanges mais pas seulement. La clinique puisqu’il y a une co-occurrence importante entre « troubles mentaux » et problématiques addictives chez les sujets : addictions secondaires à des troubles psychiatriques, troubles psychiatriques secondaires aux addictions, comorbidités, pathologies duelles, cas complexes. Concluons que le « pourquoi » coule de source, à moins qu’une telle proximité d’exercice questionne le recours. La demande est formulée lorsqu’une difficulté qui nous dépasse advient. Cela peut générer des mouvements dans les équipes (inquiétudes, empressement, rejet, sentiment d’échec et d’impuissance…) qui colorent et tendent la relation. On pourra reprocher à l’addictologie de réorienter les prises en charge lorsqu’une dangerosité psychiatrique est perçue ou à la psychiatrie d’exclure ceux dont les addictions mettent en péril le collectif. Cela est d’autant plus présent lorsque le diagnostic est difficile, prenons l’exemple de la psychose ordinaire.
Pour autant, les interactions psychiatrie-addictologie sont modulées par bien d’autres facteurs plus contingents sur nos territoires : la disponibilité, la proximité, la confiance, l’équipement de chaque équipe en connaissances transversales, l’évolution des disciplines, les évolutions sociétales, les politiques publiques. Notons enfin que le plus grand facteur favorisant le lien interdisciplinaire reste l’implication du sujet, ce qui pose problème tant nos patients présentent une pathologie du lien et ont pour beaucoup des difficultés à trouver des figures d’appui.
Dr Camille Rougerie-Baïla
Psychiatre-Addictologue
Marseille
